Camille raconte... C'est le grand jour. Après 8 mois de préparation, nous prenons la route ce matin. Ce n'est ni l'attaque nocturne d'un chat, ni la tente arrosée par un chien au matin qui vont diminuer notre enthousiasme. Nous sommes concentrées dans chaque geste. Petit déjeuner. Démontage du campement. Équilibrage des caisses. Pansage des chevaux. Sellage… il manque une sangle. L'aurions-nous oubliée dans le camion qui nous a amenés tous les cinq à notre point de départ hier ? Faux départ ? Nous retournons le box où nous avons rangé nos affaires pour la nuit et soulagement, Alexandrine retrouve la sangle. Nous finissons de seller. Les chevaux porteront le bât à tour de rôle, et c’est Kiri qui a l’honneur d’inaugurer la tâche. Une bâche est positionnée par dessus les caisses de bât, le tout assuré par le noeud de l'as de carreau appris la veille, nous sommes fin prêtes ! Nos parents nous ont rejoint pour nous souhaiter bonne route. Et ils ont le temps de nous la souhaiter, cette bonne route, puisque nous tournons en rond pendant dix minutes avant de trouver le chemin sur lequel nous engager. Tout sourire, nous partons enfin pour deux mois ! Mais notre joie retombe bien vite, Mousky boîte alors que nous venons à peine de faire un kilomètre. Le voyage va-t-il s'arrêter alors qu'il vient à peine de commencer ? Nous continuons d'avancer en ciblant des sols souples et finalement, la boiterie passe aussi vite qu'elle est venue. C'est définitivement parti pour 1000 km ! Après ce départ chaotique, nous prenons nos marques. Avec Saro, je mène Kiri bâté, et Alexandrine suit derrière, la carte à la main avec Mousky. Alors que nous nous arrêtons un instant pour vérifier notre route et que les chevaux se jettent sur l'herbe appétante du bord de chemin, une vieille dame sort de sa maison. Notre première rencontre depuis le début de ce voyage ! Notre sourire n'a pas le temps d'apparaître que nous nous faisons incendier. Nos chevaux vont saccager les plates-bandes et laisser des crottins partout, impudentes que nous sommes. Choquées de cette hostilité, nous repartons au plus vite. Nous ne le savons pas encore, mais cette rencontre sera l’exception de nos deux mois de voyage. Nous recevrons toujours un accueil chaleureux, que ce soit au détour d'un chemin ou le temps d'une soirée ! Pour ce premier jour, nous avions prévu une petite étape de 16 km. En théorie, arrivée 15h ! Mais nous voyageons plus en pratique qu’en théorie… Entre la recherche du bon itinéraire, les détours à cause d'un chemin impraticable, la conduite du bât et la première prise de contact entre tous les compagnons de route, nous arrivons à Sainte-Croix-en-Jarez vers 17h, épuisées. Nous sommes frappées par le contraste entre notre journée au calme sur les chemins, et l'activité du village. En effet, l'ancienne Chartreuse, qui a été transformée en village après son expropriation à la Révolution, attire beaucoup de touristes. Nous avons rendez-vous ici avec David Chataignon et sa famille. Un habitant nous indique la direction à suivre pour les rejoindre à la Ferme du Moulin des Chartreux. Nous entrons dans la cour, où nous attend David. Habillé d'un grand tablier blanc, il sort del'atelier de transformation charcutière et nous accueille avec le sourire. Il nous propose d’assister à la traite de ses chèvres, mais elle commence dans 20 minutes et nous devons encore décharger les chevaux et les installer dans un pré. Il faut faire vite ! Première étape, décharger et panser les chevaux : nous les installons à la barrière d’un petit pont et déposons les affaires dans un cabanon. Deuxième étape, monter le pré sur le terrain communal : espacer suffisamment les piquets mais pas trop, éviter les obstacles, choisir les meilleures touffes d'herbes, tout un art. Dernière étape, mettre le courant : après plusieurs tentatives, « ouille », c'est bon ! Nous allons pouvoir monter voir les chèvres. Nous suivons Mylène, stagiaire en école d’ingénieur d’agronomie, à travers la chèvrerie, la porcherie et le parc plein air des volailles de la ferme. Nous récupérons en chemin 4 chèvres qui avaient faussé compagnie au troupeau et les conduisons à Mathys, apprenti sur l’exploitation, pour la fin de la traite. Tous deux nous font visiter les installations et répondent au milliard de questions dont nous les assaillons, avec gentillesse et bonne humeur. De retour à la ferme, nous faisons connaissance avec Paul et Huguette, les parents deDavid. Ils nous proposent une douche, un lit et nous invitent à dîner. C'est providentiel après une telle journée ! À table, Paul nous raconte les évolutions de la ferme depuis les débuts de son père. Unecertaine harmonie semble régner depuis trois générations, pères et fils s’accordant sur le développement d’une agriculture paysanne. Un élevage diversifié à taille humaine, une volonté d’autonomie d’un bout à l’autre de la chaîne, un travail avec la Nature et une grande importance accordée à la valorisation de leur production par la transformation, telle est la ligne directrice. Paul a fait parti des précurseurs en participant il y a 30 ans à la création d'un magasin de producteur, La Ferme du Pilat, auquel la ferme adhère encore aujourd'hui. David est quant à lui autant passionné par l’agriculture que la cuisine, et allie ses deux passions en développant la gamme des produits fermiers. Paul nous fait goûter toutes les créations de son fils, et nous nous régalons de paté de chevrette, de rigotte, de pain d’épice, de Caramiel… Après une journée qui nous a semblé aussi longue que deux, nous trouvons le sommeil bien vite sur le canapé offert par Paul et Huguette. Et il vaut mieux car nous entamons la seconde journée de notre voyage à 6h30 à la fromagerie. David ayant été retardé par la tradition du Mai, nous en profitons pour aller voir les chevaux. Nous sommes heureuses de constater qu’ils sont toujours là, et qu’ils ont bien profité de l’herbe grasse de ce début de saison. Nous retournons à la fromagerie où nous retrouvons David. Alors qu’il confectionne sous nos yeux ses fromages, nous faisons plus ample connaissance. L’intérêt est réciproque. Il nous interroge. Que viennent faire deux parisiennes par ici ? Il nous demande comment sont-ils perçus, eux, « les ploucs », par les parisiens. A cette question, nous ne savons que répondre. Probablement que peu imaginent la personne qui produit leur viande ou leur légume, que peu soupçonnent son travail et son savoir-faire. Aujourd'hui, la ferme emploie un fromager et un boucher à temps plein qui préparent plus de cent produits transformés différents. Mais David nous explique qu’il est très difficile pour lui de recruter des employés. Les jeunes d’ici ont une mauvais image du métier, et peu s’y engagent alors que le secteur embauche. Il a donc choisi d'accueillir sur sa ferme des stagiaires et des apprentis, comme Mylène et Mathis, pour leur offrir une nouvelle image de la profession. La ferme organise des journées portes ouvertes, via le réseau de ferme en ferme, pour présenter au public leur métier et leur produits. Valoriser le métier de paysan, d’artisan et renouer le lien avec la terre : l’ambition de David et de sa famille ! La ferme du Moulin des Chartreux restera pour nous le lieu des premières fois. Première journée, et première arrivée chaotique. Première rencontre, et premier dîner partagé. Première interview, et premier échec micro. Première bouteille de vin, et première caillette. Pour moi élevée à la ville qui petite disait « Je veux devenir fromagère, parce que j'aime le fromage ! », c'était aussi ma première traite et ma première fois dans une fromagerie. Alors pour toutes ces premières fois et pour leur accueil, nous tenons à remercier Paul, Huguette, David, Marine, Mylène et Mathis !
1 Commentaire
10/1/2019 12:41:30 pm
merci pour ce suivi, ce partage.
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