Après notre pause à Ardelaine, nous devons poursuivre notre route vers le sud pour aller rencontrer les membres de l'association Huiletic. Nous n'avons pas prévu à l'avance notre point de chute et décidons la veille de les contacter pour savoir s’ils auraient une idée d’un terrain disponible. Au téléphone je suis happée par l'enthousiasme de Cédric. Il me propose de venir dans le jardin en contrebas de la maison de sa collègue. Il me décrit le lieu : de l'herbe, de l'espace et même une petite rivière. Cela semble parfait ! Nous cherchons donc l'adresse sur une carte. Malheureusement, le lieu est trop loin pour s’y rendre en une journée à cheval. Cela nous rap.pelle notre changement de référentiel : 25 km c'est une journée pour nous, alors que sa collègue en fait le double matin et soir pour se rendre à l'association. Nous allons trouver une autre solution. Cédric nous propose de venir nous chercher à l’endroit où nous serons arrivées, pour nous conduire ensuite à l'association. Nous acceptons avec plaisir, cela nous donne plus de liberté quand à notre journée du lendemain. Alors que nous nous occupons des chevaux, Gérard Barras vient nous voir avec ses petits enfants, curieux de ces grands animaux dans l'enclos des brebis. Bien plus que nous, il s'inquiète de notre nuit du lendemain. Il propose d’en parler à sa fille, pensant qu’elle pourrait peut-être nous aider. Nous sommes très touchées par cette aide spontanée et nous nous couchons sereines quant à la suite du voyage. Le lendemain matin, en quittant Saint Pierreville, nous faisons halte dans une épicerie du village. Je laisse les 3 chevaux à Alexandrine et entre dans la petite boutique. En sortant, c'est la panique ! Les chevaux ont décidé d'écarteler Alexandrine et lui ont broyé les orteils tandis qu'elle essayait de répondre au téléphone. Nous décidons vite d'avancer pour retrouver le calme. Elle me raconte alors la chaîne de solidarité dont nous venons d'être les “victimes”. Elle a été appelée par Béatrice, la femme de Gérard que nous avons vu la veille. Leur fille a contacté une amie bergère pour savoir si elle pouvait nous accueillir. Malheureusement non. Mais cette amie a donné le contact de Bruno, qui lui aussi possède un peu d'espace à côté de sa maison et peut nous recevoir. Nous prenons donc la direction de la maison de l'ami, de l'amie, de la fille, de Béatrice et Gérard ! Après les émotions des dernières journées de voyage, le chemin de Saint Pierreville à Antraigues sera plus doux et paisible. Nous nous souvenons encore du goût du spéculos dégusté sous un grand arbre et devant une vue magnifique à Genestelle. Dernière étape avant Antraigues, le volcan de la Crau. Les chevaux traversent le pierrier avec dextérité. Mais la descente entre les arbres qui suit marque la limite de l'agilité de Kiri avec le bât. Je suis à pied pour le mener. Rien à faire, il se prend chaque tronc et ne semble pas s'en inquiéter... A Antraigues, nous sommes donc accueillies par Aude-Cécile et Bruno. Ils nous indiquent de monter le pré sur le terrain de foot des enfants. Le lendemain-matin celui-ci sera de nouveau opérationnel grâce à la tonte rase réalisée par nos trois franche-montagne et les crottins seront eux réemployés en fertilisant dans le potager. Un échange de services des plus naturels ! Ils nous proposent finalement de passer la nuit dans leur gîte, dont les travaux viennent de se terminer, et nous invitent à dîner avec leur ami qui tient l'épicerie du village. Nous sommes heureuses de partager ce moment avec une famille qui la veille n'avait pas connaissance de notre existence et nous accueille aujourd’hui avec une grande gentillesse. A table, la discussion est naturelle et chacun parle de ces projets de vie sans tabou. Cette soirée est l'une des nombreuses soirées du voyage où nous avons ressenti la chaleur de l'hospitalité et la magie d'une discussion simple et sincère avec des personnes inconnues quelques heures plus tôt. Le matin, Cédric vient nous chercher. Le hangar de l'association se trouve sur le bord de la départementale, Cédric nous fait visiter. Des bidons, des bidons, encore des bidons ! De toutes les tailles et de toutes les couleurs. Autour d'un café, il nous raconte l'histoire de l'association, les difficultés, les espoirs, les désillusions, les compromis. Cette histoire se mêle à sa propre vie, l'engagement sans limite pour l'association, le défaitisme vis à vis du politique et de l'environnement, le sentiment d'abandon. Il résiste dans un élan de création passionné et salvateur. Je suis frappée de plein fouet par sa réalité : un combat engagé pour l'environnement, mais qui n'entre pas dans les standards de la société pour être rémunératrice. Que faire ? Continuer, et vivre dans la précarité. Abandonner, et suivre sans passion une route normée. Cédric a choisi de continuer. Il porte de toutes ses forces l’association Huiletic. Cette association collecte les huiles usagées des particuliers et de plus de 900 restaurateurs dans un rayon de 150 km autour d’Asperjoc, évitant ainsi le rejet sauvage de ces huiles dans la nature. Elle en revend ensuite une partie à des industriels pour faire des biocarburants et souhaite transformer la partie restante en huile de chaîne de tronçonneuse, pour limiter la pollution en forêt. Investir dans un local, du matériel, un véhicule, se verser un salaire et sillonner les routes de la région la semaine durant : tout cela a un coût, que la collecte gratuite et la revente d’huile au prix du baril ne comble pas. Sans soutien financier public, Huiletic fonctionne à perte et Cédric devient bénévole. Mais malgré les difficultés, il dévoue à ce projet toute son énergie et compte bien que le slogan ‘Plus une goutte d’huile en Ardèche’ le fasse vivre un jour.
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Juin 2020
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